Review Véritable Tarot de Marseille de Kris Hadar

Le Tarot de Marseille de Kris Hadar est livré dans une boîte cloche en carton solide. La couverture arbore la carte de La Force, tandis que le dos de la boîte présente le revers des cartes. L'intérieur de la boîte est, lui, sobrement décoré, avec un fond blanc sans ornement.

Les cartes : épaisseur, souplesse et finition

Les cartes elles-mêmes se distinguent par leur épaisseur. Elles sont à la fois robustes et souples, mais leur finition brillante, due à un revêtement plastique très marqué, mérite d’être soulignée. Ce revêtement plastifié divise les opinions :

• Point positif : La durabilité des cartes est remarquable. Grâce à leur finition, elles résistent à l’eau et aux taches, ce qui en fait un jeu adapté à toutes les situations, que ce soit en extérieur, sur une pelouse humide, ou dans un café. En cas de renversement accidentel d’un verre, les cartes restent intactes, ce qui est un atout majeur.
• Point négatif : À l’inverse, ce revêtement limite leur maniabilité. Les cartes ont tendance à coller entre elles, rendant le mélange difficile. Si le battage classique reste faisable, manipuler les cartes de façon fluide peut devenir un défi.

Kris Hadar est un cartomancien et un auteur francophone, connu pour son expertise dans l'art de la cartomancie, une pratique divinatoire qui utilise des cartes pour prédire l'avenir ou offrir des conseils. Il est particulièrement reconnu pour sa maîtrise des cartes de tarot, ainsi que pour ses contributions à l'étude et à la diffusion de cette discipline.

Une vie dédiée à la cartomancie

Kris Hadar s'intéresse à l'occultisme et à la divination depuis sa jeunesse. Il s’est formé aux arts divinatoires, d'abord en étudiant les techniques traditionnelles comme le tarot de Marseille, avant de s'ouvrir à d'autres formes de cartomancie. Il a aussi exploré les domaines de l'astrologie et de l’interprétation des rêves, mais c’est surtout à travers ses livres sur le tarot et sa restauration du Conver (objet de cette review) qu'il s'est fait connaître.

Ses écrits et son influence

Kris Hadar est également l'auteur de plusieurs livres sur la cartomancie et le tarot, dans lesquels il transmet son savoir et ses expériences. Ses ouvrages sont souvent considérés comme des guides pratiques pour les débutants et les praticiens avancés. Grâce à sa notoriété dans le domaine, il a su populariser la cartomancie dans un cadre plus moderne, tout en restant fidèle aux racines traditionnelles de cet art.

Dons de voyance ?

A noter, pour avoir lu son livre sur l'apprentissage du tarot, que je me questionne si Kris Hadar n'aurait pas un don de voyance. Il n'en fait pas état et ne s'en vante pas, ce qui peut refléter une personnalité modeste. Cependant dans les méthodes d'apprentissage qu'il développe dans son livre, il fait parfois des raccourcis, en apportant des interprétations et des conclusions inattendues (c'est là que l'on imagine qu'il a eu des flashs de voyance pendant ses consultations dont il tire des exemples). Cependant cela n'appuie pas la pédagogie de sa méthode, d'autant plus qu'il ne dit pas qu'il mélange cartomancie et voyance. Du coup, à la lecture de certains exemples, je suis resté dubitatif.

Le livret qui accompagne le Tarot de Marseille de Kris Hadar est composé de 64 pages et se divise en trois parties principales :

• L'histoire du tarot (26 pages environ).
La divination (26 pages).
• Les tirages (12 pages).

1. L’histoire du tarot : Un choix contesté

La première section présente un récapitulatif de l’histoire du tarot. Bien que cet effort pédagogique soit honorable, on peut s’interroger sur sa pertinence dans un *court* livret supposé être un guide pratique de divination. Kris Hadar adopte ici une vision partisane, avec des omissions notables et des interprétations parfois discutables. Voici les points principaux :

Les faits avérés :

Mention d’Antoine Court de Gébelin et de son ouvrage Le Monde Primitif. Référence aux Naïbes, un jeu de cartes arabe qui s'est répandu en Europe via les ports italiens et espagnols.

Omissions historiques :

Kris Hadar cite les tarots de Jean-Pierre Payen et de Jean Dodal, mais oublie de mentionner le tarot de Jean Noblet, premier tarot de Marseille connu, daté de 1650 (en 2023, un Tarot de Marseille de 1639 a été vendu aux enchères, mais malheureusement aucune planche de ce jeu n'a été publié, et a intégré une collection privée, dommage).

Hypothèses discutables :

Il se concentre sur des périodes où les archives françaises du XVIᵉ au XVIIᵉ siècle font état de décrets concernant les corporations des maîtres cartiers. A cette époque, les maîtres-cartiers étaient obligés par la loi, de détruire régulièrement leurs moules en bois. Selon l'auteur, ils auraient été détruits pour que les jeux reflètent l’effigie de la noblesse. Cependant, cette idée manque de preuves historiques solides. Il s'agit vraisemblablement d'une décision des autorités permettant de mieux contrôler l'activité des maîtres-cartiers (et leur déclarations) en contrôlant le nombre de moules en cours d'utilisation. Il pouvait s'agir aussi d'une décision permettant de garantir la qualité de fabrication, en détruisant systématiquement les moules usés.

Il propose une origine du tarot remontant à 1181, en lien avec la geste arthurienne et le conte du Graal de Chrétien de Troyes. Cette association, bien que poétique, semble anachronique et spéculative, car le tarot, en tant que jeu de cartes, n’existait pas à cette époque.

Restitution et prétentions :

Kris Hadar qualifie son jeu de "véritable tarot de Marseille", un titre qui peut sembler prétentieux envers d’autres restaurateurs ou créateurs, comme Philippe Camoin et Alexandre Jodorowsky. Ce positionnement met en avant son travail mais manque d’humilité face à la diversité des approches.

2. La divination : Interprétation des cartes et critiques

La deuxième section du livret aborde la signification des cartes et propose une interprétation personnelle des 22 arcanes majeurs. Certaines interprétations de Kris Hadar suscitent l’adhésion, tandis que d’autres peuvent prêter à débat.

Exemples de désaccords notables :

• XI - La Force : Kris Hadar associe cette carte à l’énergie psychique, aux actes sexuels et à la réalisation personnelle. Or, cette interprétation paraît réductrice. La Force symbolise davantage la maîtrise de soi et le courage.
• XIIII - Tempérance : Il parle de "mouvement des fluides vitaux", de loisirs et de communications. Si l’idée de communication peut se justifier par l’image des amphores et les vagues de l'eau qui se déverse, la notion de loisirs semble hors sujet ou très périphérique (j'imagine que l'auteur a pu voir ici deux verres qui trinquaient). Tempérance évoque plutôt l’équilibre et surtout le donnant-donnant.
• XVI - La Maison Dieu : L’auteur voit cette carte comme un symbole de "résultats dépassant les espérances". Une telle vision est surprenante, car cet Triomphe est généralement lié à la chute, à l’abandon de l’ego et à une restructuration après une crise.
• Le Fou : Kris Hadar associe le Fou à la fin d’un cycle, une interprétation difficile à concilier avec la symbolique classique du Fou comme explorateur de l’inconnu ou voyageur en quête d’éveil.

Points positifs :

• Les interprétations des quatre éléments (feu, eau, air, terre) sont pertinentes, bien qu’un peu élargies par rapport aux interprétations traditionnelles.
• Les significations des numérales (cartes numérotées) sont claires pour les chiffres 1 à 7, mais divergent pour les chiffres 8, 9 et 10 de la symbolique classique.

3. Les tirages : Une approche intéressante mais limitée

Dans la troisième section, le livret propose des méthodes de tirage.

• Mélange des cartes : Kris Hadar suggère de mélanger les cartes à plat sur une surface, en les brassant de manière circulaire. Si cette méthode est aussi *ma* méthode, elle est impossible à appliquer avec ce jeu, en raison du plastiquage des cartes, qui les rend collantes et peu maniables.
• Méthodes de tirage : Les exemples de tirages restent succincts et peu approfondis, ce qui peut frustrer un lecteur cherchant des explications détaillées ou des exemples concrets.

Conclusion

Le livret du Tarot de Marseille de Kris Hadar témoigne d’un véritable effort de recherche et d’interprétation personnelle. Cependant, son approche souffre de partis pris historiques, d’interprétations contestables sur certaines cartes, et d’un manque d’équilibre entre théorie et pratique. Pour les passionnés de tarot, ce livret offre une perspective originale, mais il mérite d’être complété par d’autres sources pour une vision plus nuancée et exhaustive.

Le Tarot de Marseille restauré par Kris Hadar est basé sur le modèle Nicolas Conver de 1760, mais avec des ajouts personnels d’ordre ésotérique. Ces modifications divisent : elles séduisent certains, mais peuvent dérouter les puristes. À titre personnel, je trouve que ces ajouts ne me convainquent pas toujours, à l’inverse des choix effectués par Wilfried Houdouin, créateur du Tarot Millennium, qui s’est éloigné des ajouts ésotériques pour proposer une version plus rationnelle.

Un faisceau lumineux s’élève vers le ciel, dépassant la cartouche de la carte. Cette interprétation pourrait symboliser une connexion métaphysique, mais elle s’éloigne de la représentation classique.

Des dents apparaissent sur le côté droit, un détail qui reste énigmatique et peu exploité dans les significations.

Le disciple de gauche, est agenouillé à un banc de prière, et le Pape arbore une barbe bleue, un choix esthétique et symbolique inspiré de Paul Marteau.

La colonne vertébrale est peinte en vert, les cervicales en bleu, et les lombaires en rouge, un choix de couleurs audacieux mais qui peut dérouter.

Kris Hadar reprend le jet de flamme descendant du soleil, propre au modèle Conver. Il ajoute cependant un éclair vert zigzaguant qui monte vers le ciel, un élément intrigant très probablement inspiré des Marseille de Type I (Noblet, Dodal) qui ont une flamme ascendante, symbole d’élévation spirituelle.

Le personnage porte un poignard, un ajout atypique.

Une sacoche est visible sur la croupe du cheval, tandis que le chevalier tient un tube, possiblement un parchemin.

Sa couronne est ornée d’un denier, et la gerbe végétale au-dessus de sa tête, pourrait sembler être une fenêtre avec deux barreaux, donnant une impression d’enfermement.

Sa coupe est ouverte, et un faisceau lumineux s’élève de sa tête vers le ciel.

Un lac ou une pièce d’eau est visible derrière elle, surmonté d’une frise dorée. Cette représentation de l’élément eau est inhabituelle.

Ses jambes ont deux couleurs différentes, une bleue et une rouge, et une stèle ouverte repose à ses pieds, ajoutant une dimension énigmatique.

Bien que certains ajouts, comme le denier sur la couronne de la Reine de Coupe, soient intéressants, d’autres éléments, comme le lac derrière la Reine de Bâton ou la stèle au pied du Roi d’Épée, semblent compliquer l’interprétation sans ajouter de clarté. Les modifications de couleur, souvent inspirées par le Tarot Grimaud, paraissent manquer d’innovation et d’intemporalité.

La restauration de Kris Hadar, réalisée en 1996, a marqué une époque où peu de restaurations de tarots anciens existaient. L'ancienneté de cette réalisation peut expliquer son conformisme et l'ajout de détails irrationnels. Elle peut aussi être critiquée pour son manque de distance vis-à-vis du Tarot Grimaud de Paul Marteau.