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Nom : | Le Grand Tarot Universel |
Auteur : | Bruno de Nys |
Editeur : | Les Éditions Bruno de Nys |
Tradition : | Tarot de Marseille type II |
Emballage : | Boîte carton souple / 12.5 x 6.7 x 3.7 cm |
Jeu : | 78 cartes / mattes, satinées / 12 cm x 6.4 cm |
Taille : | normal |
Manuel : | Livret de 31 pages en N&B |
Endroit/Envers : | Oui, le dos des cartes est réversible |
Inversion 8/11 : | Non |
Univers : | Contemporain |
Utilisation : | Prédiction , Développement personnel |
Les 78 cartes et le petit livret sont livrés dans une boite en carton souple. C'est plutôt habituel pour un Tarot de Marseille. Les utilisateurs du tarot Rider-Waite-Smith sont davantage habitués à des boites solides en carton épais. Il faut comprendre la grande majorité des tarots anglo-saxons sont imprimés en Chine, tandis que les tarots de Marseille auto-édités (comme celui-ci) sont imprimés en France. Les coûts de production ne sont donc pas les mêmes. De plus, les acheteurs de tarots de Marseille sont habitués à trouver un feuillet dans la boîte et non pas un livre comme bien souvent dans un tarot Rider-Waite-Smith. Ce qui dans bien des cas, ne pose aucun problème pour un Tarot de Marseille, la taille du livret peut ici être préjudiciable (voir paragraphe sur le livret).
Les cartes du jeu suivent la taille standard d'un Tarot de Marseille qui est environ 12x6 cm. Le brassage des cartes est donc facile même pour les personnes aux petites mains. Les cartes sont imprimées sur un carton mat et épais et sont de bonne qualité.
Bruno de Nys exerce la voyance depuis plus de 30 ans. Il est spécialiste du tarot, mais semble aussi avoir quelques talents dans la voyance directe et la lecture des lignes de la main. Depuis plusieurs années, en plus des consultations qu'il donne, il enseigne le tarot, à travers des livres auto-édités, des stages, mais aussi des conférences et ateliers d'initiation. Il a créé son propre tarot dit "Le Grand Tarot Universel", objet de cette review.
L'auteur commence par délivrer sa vision du tarot au lieu d'aborder l'histoire du tarot. En vérité je préfère cela, parce qu'il me semble illusoire d'évoquer l’origine du tarot en quelques lignes. On ne fait que donner quelques vérités sans expliquer les faits. Et le tarot fait tellement l'objet de préjugés et de fausses certitudes quant à son origine, si on veut parler de son histoire, il est de bon ton de prendre le temps de la démystifier.
Il est donc plus à propos que les auteurs prennent le temps d’exposer leur vision du tarot, afin de comprendre leurs motivations à créer leur propre tarot et dans quelle optique ils l'ont conçu. Dans son livret, Bruno de Nys regrettent "les mystificateurs, les chercheurs de pouvoirs, ou les soit-disant maîtres [...] ils estiment être *les meilleurs* [...] ils sacralisent le Tarot jusqu'à lui vouer un culte, parfois inquiétant". Bien sûr, je ne peux qu'être d'accord avec lui. Cependant, sans méchanceté, je me dois de rappeler que Bruno de Nys a appelé son propre jeu "Le Grand Tarot Universel". Nous avons là l'emploi de 2 superlatifs "Grand" et "Universel" qui ne démontrent pas l'humilité de l'auteur. Ce nom pourrait plutôt dénoter d'une certaine "sacralisation" du Tarot, que Bruno de Nys condamne pourtant lui-même...
Enfin, l'auteur parle de son jeu comme d'un "outil d'une grande facilité d'utilisation". J'aurais tendance à opposer que c'est aux autres d'en juger et de le dire. Le Tarot de Marseille n'a pas la réputation d'être un outil divinatoire aussi simple que le Rider-Waite-Smith qui se diffuse largement en France depuis plusieurs années. Et malgré que je tente de vulgariser le Tarot de Marseille, je dois bien avouer qu'en effet il n'est pas forcément simple d'utilisation.
Aussi je n'oserai pas qualifier le tarot de Bruno de Nys comme simple à lire, parce qu'il ne l'est pas. D'autant moins que l’auteur a ajouté des références abondantes dans son tarot, rendant les images plus riches et complexes. Un effort est donc nécessaire pour comprendre et interpréter les cartes.Le livret se poursuit avec une interprétation succincte de chacune des cartes avec un sens positif et négatif. Mon grand regret est que tous les ajouts symboliques réalisés par l’auteur ne se trouvent nullement expliqués dans le livret. Comme pour un Rider moderne, par exemple le Light Seer's Tarot, nous avons entre les mains des images originales et en marge de la tradition. Malheureusement le livret est trop court pour s'attarder longuement sur l'explication et la justification symbolique de chaque carte. Certes dans sa boutique, Bruno de Nys vend des livres d'apprentissage du tarot. Mais l'auteur n'indique nullement si l'un de ses livres décrit avec précision les cartes de son propre jeu. Nous pouvons naturellement penser que son livre principal "LE TAROT- Méthode complète" comporte ces explications, mais j'aurais aimé en avoir la certitude.
La fin du livret propose deux tirages. D'abord "le tirage à la coupe" en deux cartes, où le consultant coupe le jeu de cartes et retient la carte au-dessous et au-dessus à l'endroit de la coupe. Enfin, le livret se termine par la description d'un tirage en croix simplifié en 5 cartes. Les deux étalements sont accompagnés de plusieurs exemples. L'ensemble est pédagogique, il manque cependant l'explication de la réduction théosophique puisque l'auteur propose 2 emplacements supplémentaires au tirage en croix simplifié. Bruno parle d'additionner deux cartes tirées pour connaître la carte supplémentaire. Les pratiquants avancés imagineront qu'il s'agit d'une réduction théosophique.
Le jeu ne respecte pas tout à fait le canon de Marseille. Cela ne gênera pas le pratiquant débutant, mais le lecteur avancé pourra ne pas être convaincu par ce tarot. Ci-dessous les quelques divergences que j'ai remarqué :
Par exemple, le créateur ajoute des rênes entre les mains du prince du CHARIOT, alors que l'idée de cette carte est de montrer que l'homme ne maîtrise absolument pas ses montures. Dans le standard, le sceptre dans la main droite (la main de l'action) du prince montre qu'il a une compréhension et maîtrise intellectuel de la situation, l’homme comprend et agit avec raison. Mais la main gauche (main du coeur) est posée avec désinvolture sur la hanche, montre que le prince ne maîtrise ni ses émotions, ni ses pulsions, ici représentées par les chevaux. Comment pourrait-il en tenir les rênes ?
Autre exemple, dans l'Arcane Mineur, Bruno de Nys, retire la gerbe végétale de la REINE DE COUPES et le denier dans le sol du VALET DE DENIERS. Or ces deux symboles sont des indications d'un processus végétal qui parcoure l'ensemble des cartes de cour de l'Arcane Mineur. A la fin de ce processus, dans la REINE DE COUPES, la gerbe végétale au dessus de la tête de la reine évoque bien sûr la tige d’une plante dont au bout se trouve une graine, ici représentée par la coupe pleine dans la main de la reine. Cette graine se retrouve être le denier planté dans le sol dans le VALET DE DENIERS.
A regarder et lire les reviews de ce jeu, on lit ou on entend souvent que les couleurs de fond employées pour l'Arcane Mineur sont plutôt "flashy". Je dois reconnaître que moi-même, je trouve ces couleurs assez vives. A titre de comparaison, je préfère nettement la palette de couleurs employée dans le tarot de Fournier (ma review ici) dans le même style mais avec des tons pastels.
En bas des cartes apparaissent les symboles astrologiques des signes du zodiaques et des planètes. Bien sûr, Bruno de Nys n'est pas le premier, ni même le dernier à associer le symbolisme de l'astrologie (et d'autres courants philosophiques comme la Kabbale ou l'Alchimie) avec les cartes du Tarot. Malheureusement le livret ne délivre aucune explication sur ces associations, parfois curieuses, car certaines cartes possèdent 1, 2, ou même 3 symboles astrologiques et d'autres cartes n'ont aucun symbole.
Les visages dans ce tarot sont plutôt expressifs, allant de l'angoisse dans la carte du DIABLE jusqu'à la joie dans la carte du SOLEIL. Certains pratiquants préfèrent avoir des personnages aux visages graves voir fermés. Personnellement, je n'ai rien contre l'expressivité des visages, au contraire, cela rend les personnages plus humains. Cependant, il est vrai qu'il faut nourrir une certaine neutralité vis à vis des cartes, et éviter de préférer certaines lames et d'en détester d'autres. En ce sens, avoir des personnages qui sont en souffrance avec LE DIABLE et d'autres en joie avec LE SOLEIL, tend à briser cette neutralité du regard. Il n'y a pour moi pas de carte positive ou négative dans le tarot. LE SOLEIL peut évoquer des problèmes tout comme le DIABLE.
Enfin un copyright a été apposé sur toutes les cartes (comme montré ci-contre). Ce copyright est plus discret que ceux présents sur les tarots de Grimaud et de Jodorowsky-Camoin, nettement plus envahissants. Mais le résultat est le même, à savoir que je ne suis absolument pas convaincu que cela puisse être utile. Au contraire je trouve que ça dessert la beauté du tarot qui est un produit culturel, et même un outil divinatoire. Il est contre-productif de nous rappeler que c'est un produit commercial pendant la lecture des cartes.
Des mots-clés pour les 78 cartes pour le Tarot de Marseille, à glisser dans votre deck favori. Votre dépliant toujours avec vous, à portée de main, pour vos guider dans vos tirages. Grâce à lui, vos interprétations gagnent en richesse et en finesse.
J'apprécie les symboles qu'a ajouté l'auteur sur cette carte. Nous pouvons naturellement parler de la présence de la bibliothèque dans l’arrière-plan de l'image, évoquant le savoir. Cependant le livre que détient la Papesse entre ses mains est déjà suffisant pour évoquer la connaissance. Les inscriptions en latin sur le livre sont une bonne idée, mais ont-elles réellement une valeur ajoutée ? Les clés sont un ajout intéressant, sans doute emprunté à THE HERIOPHANT (Le Pape) du tarot RWS qui possède ces même attributs. Les clés parlent d'une compréhension des phénomènes et des situations, propres à ouvrir les portes et lever les blocages. La présence de la Lune peut se justifier dans le sens où LA PAPESSE renvoie à la connaissance intellectuelle mais aussi à la connexion à l'inconscient. La Lune a ce même symbolisme. Enfin, la Papesse semble enfermée entre les deux piliers et la bibliothèque, des rayons du soleil traversent les deux fenêtres et viennent éclairer sa tête. Cet aspect est plutôt réussi car LA PAPESSE parle aussi de gestation voir d'isolement et de retraite.
TEMPERANCE de Bruno de Nys, reprend les mêmes couleurs que le Tarot de Paul Marteau de 1930. Ce n'est pas le premier à la faire, le Tarot de Fournier est une copie des couleurs du tarot de Grimaud. Ici l'auteur a accentué l'opposition rouge-bleu en inversant les couleurs sur le haut et les manches de la robe. Enfin le flot s'écoulant du pichet à l'autre ressemble fortement à la molécule de l'ADN. C'est plutôt bien vu pour évoquer la fusion et le mariage des opposés.
LE BATELEUR de Bruno de Nys contient 3 différences remarquables avec le standard. L'homme a un ouroboros faisant office de ceinture. Je ne suis pas convaincu que ce symbole soit à la bonne place sur la 1ère carte de l'Arcane Majeur. En effet l'ouroboros est un symbole qui existe depuis l'antiquité. Il était perçu comme un symbole de rajeunissement et de résurrection. Parce que le serpent se mange la queue, on a pu aussi le voir comme un symbole d'autodestruction et d'anéantissement. Cependant il est généralement considérer comme un symbole de continuité et de cycle d'évolution. Et probablement dans ce sens qu'il est ici employé. Cependant à la première étape du parcours initiatique, le chemin est encore long jusqu'au MONDE. Il est donc prématuré de parler déjà de continuité et de cycle, tant il reste à faire et à cheminer. Selon moi, l'ouroboros aurait bien plus sa place sur la dernière carte LE MONDE, afin d'appeler à un nouveau cycle, à un nouveau début.
De même, le symbole yin et yang ne me semble pas à propos dans cette première carte. Certes Il y a aura bien sûr à trouver l'équilibre et l'harmonie tôt ou tard, mais il me semble que c'est davantage le rôle de TEMPERANCE. Et d'ici l’arrivée de cette 14ème carte, LE BATELEUR doit d'abord décider de son chemin, l'expérimenter, réussir, souffrir et échouer. Et ce n'est que lorsqu'il aura traversé toutes ces épreuves que le moment sera venu de trouver un équilibre.
Le croissant lunaire sur les deux piliers est sans doute là pour rappeler le symbole de fécondité et de fertilité véhiculée par la Lune. Que le pommeau du sceptre soit illuminé est assez particulier, j'imagine que l'auteur a voulu signifier que l’impératrice dirige son action de manière concrète et matérielle, dans la vie de tout les jours. Mais la présence du chat au pied du trône m'interpelle réellement. L'auteur a-t-il souhaité évoquer la force et l'agilité du félin ? En quoi cela concerne-t-il l’impératrice ? Est-ce plutôt la figure d'un compagnon autonome et indépendant qu’est généralement le chat qu'il faut comprendre ?
J'aime que les deux personnages aient leurs pieds embourbés comme enlisés dans la terre. En effet, la carte du DIABLE peut évoquer une situation d’emprise dont il est difficile de s'extraire. J'aime aussi que le Diable puisse se tenir sur la planète Terre, suggérant que son influence ou même sa domination s'étend envers quiconque.
J'aime par contre beaucoup moins les silhouettes humaines levant les bras au bas de la carte, non plus le trident du Diable et encore moins l'ouverture derrière lui, au seuil enflammé, évoquant sans aucun doute la porte des enfers. Ces symboles rendent la carte très négative. Et comme exprimé plus haut, je suis de ces tarologues qui estiment qu'aucune carte n'est négative ou positive. Toutes les étapes de la vie sont nécessaires, les réussites nous fait aimer la vie tandis que les épreuves nous font avancer dans la vie.
Le créateur a ajouté une porte et des marches à la tour. Jodorowsky et Camoin ont fait la même chose dans leur propre tarot (dont je fais la review ici), en relation avec le symbolisme de la Franc-maçonnerie. Je ne sais pas si Bruno de Nys tire cet ajout de la même référence. Toujours est-il, cette référence à la Franc-maçonnerie me déplaît, parce que je considère que le Tarot de Marseille se suffit à lui-même. Le Tarot n'a pas besoin d'être expliqué à travers d'autres systèmes de pensées. Les archétypes du Tarot sont suffisamment puissants et précis en eux-mêmes. Il est contre-productif de les associer aux archétypes et au symbolisme d'autres courants spirituels. Cela ne fait que complexifier le message du Tarot que pourtant beaucoup de débutants trouvent déjà difficile à appréhender. Inutile donc d'en rajouter. Cette porte et ces 3 marches n'ajoutent rien à l'essence de la carte.
Mais ce qui m'interpelle vraiment dans cette carte, c'est le jet de flammes originel remplacé par un incendie. Le jet de flammes (ou l'éclair dans la tradition Rider-Waite-Smith) évoque un événement marquant, une prise de conscience soudaine, une rupture nette dans l'évolution. Sur LA MAISON-DIEU de Bruno de Nys, les flammes au sommet de la tour ne semblent pas éphémères. Au contraire l'incendie est bien installé, puisque les flammes sont visibles à travers les 3 fenêtres de la tour. La signification en perd le caractère bref et imprévu, mais incroyablement intense et lumineux du phénomène de la foudre. De même les murs fissurés viennent appuyer une situation de crise et de péril, mais renvoient à une situation matérielle, concrète. Alors que LA MAISON-DIEU parle avant tout d'un égo décapité par un jet de flammes, un éclair fulgurant. La rupture est éminemment spirituelle. Elle ne touche en rien la matérialité de la vie. Or ces murs de part et d’autre de la tour portent ce message terrien. Malheureusement je trouve que le sens profond et originel de la carte est modifié.
Je suis une démarche de démocratisation du Tarot de Marseille, où l'imagerie très médiévale du jeu est un réel frein à son acquisition, face à la concurrence inégale des dérivés du tarot RWS aux graphismes modernes et superbes. Je salue donc l'initiative de Bruno de Nys d'avoir voulu moderniser l'apparence du Tarot de Marseille. J'entends qu'il en ait profité pour intégrer des ajouts personnels à la forme canonique. Qui ne l'aurait pas fait ?
Cependant, pour le coup le standard du Tarot de Marseille n'est plus totalement respecté dans son jeu. Et l'auteur n'a pas fait dans la demi-mesure sur sa personnalisation des cartes.
Il en résulte un Tarot de Marseille aux dessins très modernes par rapport aux images originales médiévales. Nous pouvons apprécier cette nouvelle forme. Par contre, sur le plan du symbolisme, les puristes du tarot de Marseille regretteront clairement les divergences par rapport au standard et pourront se tourner vers le tarot Fournier (ma review ici). Quand aux débutants, il y a dans ce jeu un foisonnement de symboles qui peuvent les freiner dans l'apprentissage de la lecture divinatoire. Peut-être qu'un coffret d'apprentissage comme celui de Emilie Porte (ma reviewe ici) serait plus accessible.
Sur le marché français de la cartomancie, la plupart des débutants se tournent clairement vers un tarot Rider-Waite-Smith pour l'acquisition d'un premier jeu. Et les pratiquants plus avancés vont rechercher des tarots de Marseille authentiques en sélectionnant des jeux historiques en fac-similé ou restaurés. Nous pouvons donc nous poser la question à qui s'adresse véritablement des tarots comme « Le Grand tarot Universel » de Bruno de Nys. Il y a clairement une place pour des tarots de Marseille rénovés et modernisés. Mais de tels jeux doivent briller par leur excellence pour espérer percer sur un marché dominé par les tarots RWS.
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