Pour comprendre d'où vient la carte Le Monde, il faut remonter à une idée très ancienne : l'Anima Mundi ou Âme du Monde. Ce concept constitue l'un des plus puissants et influents de la tradition philosophique occidentale, donnant naissance à une riche tradition artistique qui traverse les siècles depuis l'Antiquité jusqu'à la Renaissance.
L'Anima Mundi désigne l'âme universelle qui anime le cosmos, conçue comme une force spirituelle qui insuffle la vie et l'ordre à l'univers matériel. Cette doctrine offre bien plus qu'une simple théorie : elle représente un idéal artistique qui inspire les créateurs à travers les siècles.
L'Anima Mundi trouve ses racines dans le Timée de Platon, où elle apparaît comme le principe des mouvements ordonnés de l'univers. Platon explique que l'univers est un être vivant doué d'une âme et d'une intelligence, créé par le Démiurge qui "mit l'intelligence dans l'âme, l'âme dans le corps, et il organisa l'univers de manière à ce qu'il fût l'ouvrage le plus beau et le plus parfait". Cette âme du monde agit comme intermédiaire entre l'esprit et la matière, permettant la communication entre les réalités spirituelles et physiques.
Les philosophes stoïciens considéraient l'Anima Mundi comme le principe fondamental de la vie et la seule force vitale universelle. Cette doctrine fut ensuite développée par Plotin et les néoplatoniciens, qui y voyaient une réalité intelligible donnant vie à l'univers. La tradition fut ensuite reprise et christianisée par Saint Augustin, qui l'adapta à la théologie chrétienne.
En tant qu'achèvement artistique, l'Anima Mundi révèle comment l'art occidental a constamment cherché à dépasser la simple imitation pour atteindre une véritable re-création du cosmos selon ses principes spirituels les plus profonds. Cette tradition témoigne de la capacité unique de l'art à servir de pont entre le visible et l'invisible, entre le matériel et le spirituel, réalisant ainsi l'idéal même de l'Âme du Monde comme médiatrice universelle.
La carte Le Monde qui fut importée en France peu après 1500 présente une figure presque nue entourée d'une mandorle, aussi appelée vesica pisces. Dans l'art chrétien, la mandorle signifie la présence du transcendant, un acte miraculeux qui se produit au-delà du temps et de l'espace.
Cette forme ovale sacrée apparaît dans deux usages courants de l'art européen : elle entoure le Christ en gloire régnant sur le monde, et elle accompagne l'Assomption corporelle de la Vierge Marie au ciel. La mandorle devient ainsi le symbole visuel de la transformation spirituelle et de l'élévation divine.
Parallèlement à cette tradition philosophique, une puissante source d'inspiration chrétienne nourrit l'imaginaire des maîtres cartiers : la vision de la Nouvelle Jérusalem dans l'Apocalypse de Saint Jean.
Dans le livre de Révélation, après vingt chapitres de mort, de peste, de misère et de destruction de la ville de Jérusalem et de son temple, Dieu revient pour présider un monde renouvelé où il n'y a plus de mort, de douleur ou de tristesse. Le chapitre 21 de l'Apocalypse commence ainsi : "Et je vis un nouveau ciel et une nouvelle terre : car le premier ciel et la première terre avaient disparu ; et il n'y avait plus de mer. Et moi, Jean, je vis la ville sainte, la Nouvelle Jérusalem, descendre de Dieu du ciel, préparée comme une épouse parée pour son époux."
Les versets 12 à 25 décrivent cette Nouvelle Jérusalem avec une précision saisissante : elle possède de hauts murs disposés en carré avec douze portes de perle gardées par douze anges. Les murs sont en jaspe, et la ville est d'or pur avec des rues pavées d'or. Les fondations contiennent douze pierres précieuses différentes. Il n'y a ni soleil ni lune car la ville est éclairée par la gloire de Dieu ; et il n'y a pas de temple car l'Agneau de Dieu est le temple.
Cette vision extraordinaire décrit une cité qui descend du ciel, d'auprès de Dieu, prête pour les noces, comme une épouse parée pour son mari. Cette métaphore nuptiale est fondamentale : la cité sainte symbolise l'union parfaite entre Dieu et l'humanité rachetée.
Ces racines conceptuelles - l'Anima Mundi comme force animatrice universelle, la mandorle comme symbole de transcendance, et la Nouvelle Jérusalem comme vision de perfection accomplie - vont nourrir l'imaginaire des maîtres-cartier.e.s et donner naissance aux premières représentations de la carte Le Monde.
Le poète italien Pétrarque a révolutionné l'art européen avec son œuvre I Trionfi (Les Triomphes). Ce poème a fourni l'archétype de toutes les processions triomphales, qu'il s'agisse de parades réelles, d'allégories peintes ou d'atouts de tarot. Chaque section du poème décrit une figure allégorique qui triomphe de la précédente. "L'Éternité" est la figure finale qui triomphe de tout.
Voici comment Pétrarque décrit l'univers éternel et transformé : "...J'ai enfin contemplé un monde rendu nouveau et immuable et éternel. J'ai vu le soleil, les cieux, et les étoiles et la terre et la mer détruits, et refaits plus beaux et plus joyeux qu'auparavant."
Point d'ancrage final de la série des Trionfi, le "Triomphe de l'Éternité" clôt symboliquement le parcours du poète : après l'Amour, la Chasteté, la Mort, la Renommée et le Temps, seule l'Éternité - c'est-à-dire la vision béatifique de Dieu - l'emporte définitivement. Véritable profession de foi humaniste et chrétienne, ce dernier chant a profondément nourri l'imaginaire artistique européen du XVe au XVIe siècle.
Le thème clé de cette vision est la fin du temps historique, la fusion du passé, du présent et du futur. Le plus souvent, l'Éternité est figurée sur un char céleste ; Dieu le Père ou la Trinité trônent au sommet, entourés d'anges et d'âmes élues. Les quatre Évangélistes, ou des figures allégoriques du temps cosmique, tirent le char, soulignant la victoire définitive sur le temps profane.
Cette illustration du Triomphe de l'Éternité de Pétrarque présente un diagramme cosmologique avec Dieu et ses anges assis sur le bord, présidant le monde renouvelé. Dans les jeux de tarot du XVe siècle, nous voyons habituellement une allégorie de la Renommée debout sur le bord du cercle, tandis que les anges avec leurs trompettes se déplacent vers la carte du Jugement.
Un élément absolument central de la carte Le Monde réside dans ses quatre figures aux coins : l'ange, le lion, le taureau et l'aigle. Ces créatures forment ce qu'on appelle le tétramorphe, terme qui vient du grec tetra (quatre) et morphé (forme).
Ces quatre êtres apparaissent d'abord dans la vision extraordinaire du prophète Ézéchiel dans l'Ancien Testament. Dès les premières lignes de sa prophétie, Ézéchiel décrit : "le ciel s'ouvrit et je fus témoin de visions divines". "Au centre, je discernais quelque chose qui ressemblait à quatre êtres vivants".
"Ils avaient chacun quatre faces et chacun quatre ailes (...) leurs sabots étaient comme des sabots de bœuf". "Quant à la forme de leurs faces, ils avaient une face d'homme, et tous les quatre avaient une face de lion à droite, et tous les quatre avaient une face de taureau à gauche, et tous les quatre avaient une face d'aigle."
Il s'agit de quatre créatures célestes identiques dotées chacune de quatre pattes de taureau, de quatre ailes d'aigle, de quatre mains humaines et de quatre faces différentes d'homme, de lion, de taureau et d'aigle. Ces quatre créatures ont leur place au pied du trône de la gloire de Dieu. Ézéchiel reviendra sur la même vision au chapitre 10 en précisant cette fois "(...) et je connus que c'étaient des chérubins."
L'apôtre Jean relate dans le livre de l'Apocalypse une vision qu'il partage au chapitre 4. La parenté avec celle d'Ézéchiel est évidente, mais les créatures sont simplifiées. Les Vivants sont au milieu du trône et autour de lui. Mais ils ne sont plus identiques et ils sont beaucoup moins hybrides : ce sont, dans l'ordre, un lion, un taureau, un homme et un aigle. Ils ont chacun six ailes et ils sont recouverts d'une multitude d'yeux.
Ils ne cessent de répéter jour et nuit : "Saint, Saint, Saint, Seigneur, Dieu Maître de Tout, qui était, qui est et qui vient !"
Les quatre créatures accompagnant le Christ en gloire constituent une convention artistique datant du début du Moyen Âge. Au IIe siècle, un évêque grec, Saint Irénée, a associé les quatre bêtes aux quatre évangélistes : Matthieu avec l'homme, Jean avec le lion, Luc avec un bœuf et Marc avec un aigle. Deux siècles plus tard, l'évêque chypriote Épiphane a proposé d'échanger Jean et Marc, une association actuellement en usage.
Pourquoi telle créature est-elle associée à tel évangéliste ? Saint Jérôme nous explique ces correspondances :
Ces associations entre créatures et symboles puisent dans une tradition bien plus ancienne. Nous savons que l'association entre différentes créatures et symboles était une pratique répandue en ancienne Égypte ainsi qu'en Mésopotamie. Sphinx égyptiens, taureaux ailés babyloniens, harpies de la Grèce antique... Ces images étaient probablement familières à Ézéchiel, qui fut l'un des prophètes juifs à avoir vécu l'exil à Babylone aux alentours du XIe siècle av. J-C.
D'après les spécialistes de la Bible, il est possible que sa vision ait été influencée par l'art assyrien, dans lequel ce genre d'associations était effectivement courant. De plus, nous savons grâce aux données archéologiques que ces créatures correspondent aux quatre signes fixes du zodiaque babylonien : le bœuf représente le Taureau, le lion le signe du Lion, l'aigle correspond au Scorpion, et l'homme ailé (ou l'ange) à la constellation du Verseau.
Par la suite, les premier.e.s chrétien.ne.s se sont approprié ces symboles, les associant chacun à un.e évangéliste, changeant alors complètement leur signification à partir du Ve siècle. Ainsi, quand vous contemplez la carte Le Monde, ces quatre figures ne sont pas là par hasard : elles portent des millénaires de symbolisme spirituel et cosmique, reliant la vision du tarot aux plus profondes traditions mystiques de l'humanité.
Les premières cartes Le Monde italiennes du XVe siècle nous révèlent comment les créateur.rice.s de l'époque ont adapté les visions bibliques à leur propre compréhension spirituelle. La carte Visconti-Sforza, l'un des plus anciens tarots conservés, est souvent interprétée comme une représentation de la Nouvelle Jérusalem, mais avec des différences significatives par rapport au texte de l'Apocalypse.
Contrairement à la description biblique qui mentionne douze portes de perle, la carte Visconti-Sforza ne présente qu'une seule porte. Il n'y a pas d'agneau au centre de la cité, et on aperçoit un temple en arrière-plan - alors que l'Apocalypse précise qu'il n'y a pas de temple dans la Nouvelle Jérusalem car "l'Agneau de Dieu est le temple".
Cette adaptation révèle comment les artisan.ne.s de la Renaissance ont réinterprété les sources sacrées selon leur propre vision artistique et spirituelle. Elles et ils ne copiaient pas littéralement les textes, mais les transformaient en créant de nouveaux symboles.
Il est fascinant de noter qu'une ville murée similaire à celle de la carte Visconti-Sforza apparaît également sur l'As de Coupes dans le pattern du Tarot de Marseille. Cette récurrence suggère que l'image de la cité fortifiée était devenue un symbole universel de perfection spirituelle dans l'imaginaire des maîtres-cartiers.
L'histoire racontée par les tarots du XVe siècle n'était pas toujours une simple ascension vers le paradis, comme nous pourrions l'imaginer aujourd'hui. Dans les premiers jeux de Florence et de Bologne, Le Jugement était la carte la plus élevée et Le Monde la précédait dans l'ordre hiérarchique.
Cette séquence raconte une histoire très différente : l'allégorie de la Renommée présidant l'univers physique, suivie du jugement final représentant l'Éternité. Cette organisation révèle une conception cyclique du temps et de l'accomplissement spirituel qui diffère de notre compréhension moderne linéaire.
Cette inversion nous invite à repenser la carte Le Monde non comme une finalité absolue, mais comme une étape de maîtrise terrestre qui précède l'évaluation spirituelle finale. Les créateurs de l'époque semblaient distinguer entre l'accomplissement dans le monde matériel et l'accomplissement dans l'éternité divine.
Toutes les cartes Le Monde italiennes du XVe siècle présentent une caractéristique commune remarquable : elles affichent un paysage enfermé dans un cercle. Cette représentation n'est pas anodine - elle reflète la vision cosmologique de l'époque et porte une signification spirituelle profonde.
Après la résurrection et le jugement implicite de la carte précédente, nous arrivons au Paradis, un cosmos renouvelé et transfiguré. Dans le modèle géocentrique de l'univers qui prévalait à l'époque, la Terre occupe le centre du cosmos, entourée d'anneaux concentriques d'éléments, de planètes et de rangs d'anges.
Ces représentations circulaires du monde nous montrent un paradis qui n'est pas séparé de la réalité terrestre, mais qui la transforme et l'élève. Le paysage à l'intérieur du cercle n'est pas un lieu abstrait ou purement spirituel - c'est notre monde, mais dans un état de perfection.
Cette vision correspond à l'idée Renaissance que la beauté et la perfection peuvent être atteintes dans le monde physique lui-même. Les arbres, les montagnes, les cours d'eau représentés dans ces cartes ne sont pas des éléments décoratifs, mais des symboles de la nature harmonisée avec l'ordre divin.
Le cercle qui entoure ce paysage fonctionne comme une mandorle laïque : il délimite un espace sacré où les lois ordinaires sont suspendues et où règne l'harmonie parfaite. C'est un monde où la nature et l'esprit, le matériel et le spirituel, coexistent dans un équilibre parfait.
Les cartes de Budapest et Rosenwald nous révèlent également l'influence des diagrammes cosmologiques médiévaux sur l'art du tarot. Ces représentations scientifiques de l'époque montraient l'univers comme une série de sphères concentriques, avec la Terre au centre et les cieux qui l'entourent.
En intégrant ces modèles dans leurs cartes, les maîtres-cartiers créaient un pont entre science, spiritualité et divination. La carte Le Monde devenait ainsi non seulement un symbole d'accomplissement personnel, mais aussi une représentation de la place de l'humanité dans l'ordre cosmique.
Cette approche révèle la sophistication intellectuelle des créateurs de tarots de la Renaissance. Ils ne créaient pas simplement des images jolies ou mystérieuses, mais des synthèses visuelles de la connaissance de leur époque, alliant théologie, philosophie, astronomie et art dans une vision cohérente du monde transfiguré.
La figure centrale de cette version présente une certaine ambiguïté visuelle qui peut laisser le genre indéterminé, probablement due aux contraintes techniques de la gravure de l'époque. Cette imprécision du tracé permet néanmoins différentes lectures : certains pourraient y voir une figure androgyne évoquant l'unité des opposés, mais il s'agit plus vraisemblablement d'une limite technique plutôt que d'une intention symbolique délibérée.
L'élément le plus significatif demeure la bannière triomphale que brandit cette figure. Cette bannière évoque les processions de victoire antiques et proclame un accomplissement qui mérite d'être célébré publiquement. Elle transforme la figure en héraut de sa propre réalisation, annonçant au cosmos entier l'achèvement d'un cycle majeur.
Le globe sur lequel se tient la figure constitue l'innovation la plus remarquable de cette version. Il ne s'agit pas d'une simple représentation terrestre, mais d'un véritable planisphère astronomique où coexistent la lune et le soleil. Cette représentation s'inspire des diagrammes T-O médiévaux (cf. article sur l'Impératrice et l'Empereur pour lus de détails) qui figuraient le monde connu selon un schéma circulaire, mais ici enrichie d'une dimension cosmique complète.
La présence simultanée des deux luminaires révèle une maîtrise qui transcende la temporalité terrestre. La figure ne domine plus seulement l'espace géographique, mais l'ensemble des cycles cosmiques représentés par l'alternance du jour et de la nuit, des marées, des saisons. Cette vision évoque un accomplissement qui intègre tous les rythmes universels.
L'identité parfaite entre ce globe et celui qui surmonte les sceptres de L'Empereur et de L'Impératrice révèle une continuité symbolique remarquable. Cette correspondance suggère que la figure du Monde a hérité et dépassé les pouvoirs représentés par ces deux archétypes du pouvoir temporel.
La transformation est saisissante : alors que l'Empereur et l'Impératrice tiennent le globe par leur sceptre, maintenant une distance avec l'objet de leur pouvoir, la figure du Monde se tient directement sur le globe. Cette position révèle un dépassement du pouvoir externe vers une identification complète avec l'ordre cosmique. L'être accompli ne règne plus sur le monde depuis l'extérieur, mais l'incarne et l'anime par sa présence.
Les quatre têtes angéliques qui soufflent sur le globe constituent l'élément le plus mystérieux et le plus puissant de cette représentation. Ce pneuma quadruple évoque l'insufflation divine permanente qui maintient le cosmos en mouvement, mais ici dirigée vers la figure centrale dans un geste de soutien et de consécration.
Cette image fait écho à la tradition des quatre vents de l'Esprit et aux quatre directions sacrées. Les anges ne se contentent plus d'adorer depuis la périphérie : ils participent activement au maintien de l'harmonie cosmique en soutenant de leur souffle la figure réalisée, créant une synergie entre l'accomplissement humain et l'action divine.
Le Type I, qui émerge vers 1650, se caractérise par une figure centrale ambiguë, souvent masculine ou androgyne, tenant un sceptre court et entourée d'une ceinture de feuilles. Cette version conserve des liens étroits avec l'iconographie chrétienne traditionnelle, où la figure pourrait représenter le Christ en gloire.
Le Type II, qui apparaît au début du XVIIIe siècle, marque une rupture significative. La figure centrale devient clairement féminine, porte une écharpe rouge en diagonale et tient deux baguettes. Elle semble danser, et ses jambes adoptent parfois la même position que celles du Pendu. Cette évolution témoigne d'un glissement vers une représentation de l'Anima Mundi, l'Âme du Monde.
La carte de Jacques Vieville représente l'une des premières adaptations françaises de la tradition italienne. Sa figure centrale est indubitablement masculine : nu à l'exception d'un manteau et d'un bâton bien placé qui confirme le genre masculin. Son auréole indique clairement qu'il pourrait s'agir du Christ.
Cette représentation s'inscrit dans la continuité directe de l'art chrétien médiéval, où le Christ en gloire était traditionnellement entouré des quatre évangélistes. Vieville maintient cette tradition iconographique tout en l'adaptant au format du tarot. La nudité de la figure n'est pas scandaleuse dans ce contexte : elle évoque la pureté, l'état d'innocence retrouvée après la rédemption.
La présence du sceptre dans cette version primitive révèle l'importance du pouvoir spirituel et temporel dans la conception de l'accomplissement. Cette figure ne danse pas, ne virevolte pas : elle règne avec majesté sur un cosmos ordonné.
Cinquante ans plus tard, Jean Dodal propose une version qui conserve la tradition masculine. L'examen attentif de sa carte révèle que la figure porte une barbe, détail qui confirme son genre masculin.
Cette barbe, même discrète, n'est pas anodine. Dans l'art occidental, la barbe symbolise traditionnellement la sagesse, le courage et la maturité spirituelle. Elle indique que cette figure a traversé les épreuves de l'existence et a acquis la connaissance nécessaire pour présider l'univers transfiguré.
Une mention intrigante apparaît sur certaines versions : "F.P.LE.TRANGE", qui signifie très probablement "Fait pour l'étranger". Cette indication révèle que dès le début du XVIIIe siècle, les cartes françaises étaient conçues pour l'exportation. Les enseignes latines (coupes, épées, bâtons, deniers) n'étaient plus utilisées en France, où les enseignes modernes (trèfle, pique, cœur, carreau) s'étaient déjà imposées.
Contemporain de Vieville, Jean Noblet développe une vision différente de la carte Le Monde. Là où Vieville privilégie une figure masculine, Noblet propose une figure féminine qui va devenir la référence.
Cette coexistence de deux approches si différentes à la même époque révèle la richesse créative du milieu du XVIIe siècle. Les maîtres-cartiers ne suivaient pas encore un modèle unique figé, mais explorait diverses interprétations des symboles traditionnels.
L'élément le plus frappant de la version Noblet réside dans le traitement différencié des auréoles. Les trois animaux et l'ange sont tous auréolés, mais selon un code coloristique précis : le taureau et le lion portent des auréoles rouges, tandis que l'aigle et l'ange arborent des auréoles jaunes. Cette distinction chromatique révèle une maîtrise parfaite de l'iconographie symbolique.
Cette répartition des couleurs suit une logique profonde. Le rouge, couleur du feu et de la terre, couronne les créatures liées à l'énergie terrestre et la force vitale : le taureau (élément terre, sacrifice) et le lion (élément feu, royauté). Le jaune, couleur de l'air et de la lumière divine, auréole les créatures associées aux éléments spirituels et célestes : l'aigle (élément air, élévation) et l'ange (élément eau, purification spirituelle).
La femme se dresse au centre de la mandorle "comme si elle disait : Je suis réalisée, en pleine gloire, j'unis la terre et le ciel". Cette posture révèle une conscience de soi absolue, l'expression d'un accomplissement total.
Sa nudité, avec la poitrine visible, signale selon mon analyse qu'elle est pure, elle n'a rien à cacher. Dans la tradition alchimique et mystique, la nudité représente la transparence de l'âme qui n'a plus besoin de voiles ou de masques. Cette pureté n'est pas innocence, mais connaissance intégrée.
Un détail fascinant mérite attention : les jambes sont de couleurs différentes. Cette particularité, que j'interprète comme signifie que ses actions sont à la fois humaines et divines, révèle la nature double de cette figure. Elle incarne parfaitement l'union des contraires : enracinée dans l'humanité par la jambe rose, connectée au divin par la jambe jaune.
La figure centrale, indubitablement féminine, porte une écharpe rouge drapée en diagonal sur son corps et tient deux petites baguettes. L'innovation majeure réside dans sa posture : les jambes croisées du personnage debout montrent qu'elle est à l'aise, signe de maîtrise (comme l'homme dans la carte de l'Empereur ou du Pendu) et qu'elle a le pas léger. Elle pourrait danser même.
L'écharpe rouge qui barre diagonalement le corps de la danseuse indique, selon mon interprétation, qu'elle est l'élue, elle représente l'aboutissement. Cette écharpe fonctionne comme un insigne de reconnaissance divine, marquant celle qui a atteint l'état de grâce.
Innovation majeure : chez Madenié (1709), la figure tient une baguette dans chaque main, indiquant qu'elle a le double pouvoir (sur ses pensées et sur ses actions ?). Cette évolution symbolique est capitale : nous passons d'un pouvoir unique (le sceptre de Noblet) à un pouvoir dual et équilibré.
Certaines versions montrent même l'une des mains tenant une fiole, ce que j'interprète comme signifiant qu'elle détient l'élixir de vie éternelle. Cette représentation nous rapproche de l'iconographie alchimique, où la figure féminine devient gardienne des secrets de la transformation.
Le Type II de Madenié marque une rupture conceptuelle fondamentale. La figure centrale devient clairement associée à l'Anima Mundi, l'Âme du Monde de la tradition néoplatonicienne. Cette force vitale qui imprègne toute la création se meut dans une danse perpétuelle, générant l'énergie qui alimente le cosmos.
Cette Anima Mundi fait pousser les plantes, donne conscience aux animaux, et offre la raison aux êtres humains. Pour les alchimistes, elle représente le feu qui facilite le changement et la transformation. La danseuse de Madenié incarne parfaitement cette conception dynamique de l'accomplissement spirituel.
Dès 1718, avec le maître-cartier Heri, nous assistons à une dégradation révélatrice. Le cheval remplace le taureau et, détail crucial, il n'est plus auréolé. Cette modification, apparemment mineure, révèle une perte de compréhension fondamentale. Attention, il y a un doute c'est subtil, regarder comment sur la carte du Monde selon Héri, il est possible que l'animal porte une corne (peinte en rouge) -donc c'est un taureau- mais où est l'autre corne ? Et comment cette mystérieuse corne unique semble se transformer en "touffe de poils" ou en "deuxième oreille" chez Conver !!! On a donc un animal dont on a du mal à définir la race (Taureau ou Cheval). Et regarder le Monde chez Paul Marteau en 1930 (Image de l'introduction), c'est devenu un cheval avec une frange !
Cette transformation témoigne d'un phénomène plus large : la commercialisation de l'art symbolique. Les moules se transmettent de génération en génération, mais la connaissance qui les accompagnait se perd progressivement. Les moules se dégradent avec le temps et l'usage, les détails deviennent méconnaissables ou flous. Les formes survivent, mais leur âme s'évapore.
Le cheval non auréolé pourrait signifier qu'il incarne l'impétuosité du désir enfin maîtrisé, mais c'est surtout la démonstration que dès lors, après Madenié, rien ne va plus chez les maîtres-cartiers français. Nous sommes passés d'une corporation de compagnons formés à une corporation de marchands qui copient et reproduisent sans comprendre ce qu'ils ont sous les yeux.
Soyons honnête, c'est une vision personelle, beaucoup de tarologues s'accomodent très bien du cheval à la place du taureau. Moi non ! ^_^'
Au début du XXe siècle, les occultistes français et britanniques redécouvrent le tarot avec un regard nouveau. Loin de rejeter la tradition du Tarot de Marseille, elles et ils adhèrent étroitement à sa conception, mais enrichissent son interprétation d'une dimension psychologique et spirituelle inédite.
Oswald Wirth, occultiste français, développe une interprétation qui, bien qu'elle n'influence pas directement les occultistes britanniques, mérite notre attention pour sa richesse symbolique. Pour lui, la danseuse représente la Déesse du Monde, l'âme corporelle de l'univers.
irth ne voit pas la figure centrale comme une divinité lointaine, mais comme une force qui habite chaque être vivant. Cette Déesse du Monde n'est pas extérieure à nous : elle est nous, dans notre dimension la plus élevée.
Dans la version de Wirth, la danseuse tient dans sa main gauche deux baguettes avec des extrémités rouge et bleue. Le rouge représente le feu de la vie, tandis que le bleu symbolise le souffle d'air qui ravive constamment ce feu. Cette alternance rouge-bleu évoque la respiration cosmique, l'inspiration et l'expiration de l'univers.
Ses cheveux flottent derrière elle, renforçant le concept de mouvement perpétuel. L'aigle devient bleu, couleur de l'air, soulignant encore cette dimension d'élévation et de mouvement spirituel. Chaque élément de la carte concourt à exprimer l'idée d'une perfection en mouvement.
Les occultistes de cette époque associent les quatre créatures des coins de la carte à un système complexe de correspondances qui révèle leur ambition de créer une synthèse universelle des traditions spirituelles.
Ces quatre figures correspondent simultanément à :
Cette multiplicité de correspondances révèle l'ambition des occultistes de l'époque : créer un système unifié qui intègre toutes les traditions spirituelles et scientifiques dans une vision cohérente du cosmos.
Cette approche témoigne d'un courant de pensée typique de la fin du XIXe et du début du XXe siècle : l'universalisme spirituel. Les occultistes cherchent à dépasser les divisions religieuses traditionnelles pour retrouver une sagesse primordiale commune à toutes les traditions. La carte Le Monde devient ainsi non seulement l'accomplissement individuel, mais la synthèse de toute la sagesse humaine. Elle représente l'état de conscience où toutes les oppositions sont réconciliées, où toutes les traditions convergent vers une vérité unique.
La carte Le Monde du Tarot de la Forêt Enchantée nous offre une vision radicalement différente de l'accomplissement. L'image nous montre un arbre majestueux recouvert de quatre feuillages qui évoquent les quatre saisons de l'année : le printemps avec ses bourgeons tendres, l'été dans sa plénitude verte, l'automne aux couleurs dorées, et l'hiver dans sa nudité contemplative.
Cet arbre semble être un chêne vénérable et millénaire, tant son tronc est large et ses branches et racines sont développées. Cette représentation puise dans l'archétype universel de l'Arbre du Monde, présent dans de nombreuses traditions spirituelles : l'Yggdrasil nordique, l'Arbre de Vie kabbalistique, ou l'Ashvattha hindou.
La simultanéité des quatre saisons sur un même arbre révèle une conception cyclique du temps et de l'existence. Contrairement à notre perception linéaire, cette vision suggère que tous les états coexistent dans l'accomplissement véritable : la naissance et la mort, la croissance et le repos, l'expansion et la contraction.
Au pied de l'arbre se trouve un labyrinthe en forme de cercle. Ce labyrinthe évoque les épreuves que nous subissons, les détours et les culs-de-sac auxquels nous sommes confronté.e.s dans notre parcours d'évolution. Cette représentation s'inspire des labyrinthes initiatiques médiévaux, comme celui de la cathédrale de Chartres.
Mais contrairement aux labyrinthes classiques qui mènent vers le centre, celui-ci conduit vers l'extérieur, vers la porte de l'arbre. Cette inversion symbolique est remarquable : elle suggère que le véritable "centre" n'est pas dans l'introspection narcissique, mais dans la connexion avec la source de vie universelle.
Sortir de ce labyrinthe nous permet d'arriver au seuil de la porte, au pied de l'arbre. Le parcours labyrinthique devient ainsi une purification nécessaire, un processus d'épuration qui nous rend dignes d'accéder à la sagesse de l'arbre.
La porte fermée au pied de l'arbre constitue l'élément le plus intriguant de cette représentation. Elle pourrait évoquer qu'avec cette dernière étape que représente la carte Le Monde, nous pourrions être sur le seuil d'une nouvelle découverte, comme si la dernière carte du voyage du Fou ne semblait être qu'une étape vers un autre futur et une autre évolution.
Cette porte fermée révèle une conception initiatique de l'accomplissement : même arrivé.e au terme du parcours visible, nous ne faisons qu'accéder au seuil d'un mystère plus grand. L'accomplissement n'est pas une fin, mais une qualification pour un nouveau niveau d'existence.
L'évolution nous emmènerait au cœur de l'arbre, comme un retour aux sources, une connexion directe à la nature, un accès à la profondeur de notre âme et de notre être. Cette intériorisation vers le cœur de l'arbre évoque les traditions chamaniques où l'Arbre du Monde sert d'axe de communication entre les différents niveaux de réalité.
L'image de la carte L'Achèvement du Tarot Osho nous montre une main qui pose la dernière pièce d'un puzzle sur lequel figure un visage bienveillant et souriant, qui ressemble assez facilement à un visage de Bouddha. Les yeux effilés font très clairement référence à un visage asiatique.
Le choix du terme "Achèvement" plutôt que "Monde" révèle une approche plus psychologique que cosmique. Cette nuance terminologique est significative : là où les tarots traditionnels évoquent une maîtrise du monde extérieur, Osho privilégie l'accomplissement intérieur.
Le fait que ce visage soit morcelé en morceaux d'un même puzzle est réellement intéressant, car il nous invite à penser que nous sommes une variété multiple d'aspects différents et contradictoires.
Le véritable chemin, au-delà de s'accepter soi-même, semble être d'harmoniser, d'unifier et de solidifier des aspects et des traits de personnalité qui sont antagonistes chez nous. Cette approche s'inspire directement de la psychologie des profondeurs et de la notion jungienne d'individuation.
Finalement, le chemin de l'évolution serait le chemin où nous réunissons nos paradoxes intérieurs en un tout homogène et parfait, à l'effigie de ce puzzle que la main vient terminer. Cette métaphore du puzzle révèle que l'identité n'est pas donnée, mais construite consciemment par un travail d'assemblage patient.
Lorsque nous avons rassemblé notre être en un paquet uni et harmonieux, nous ressemblons à un Bouddha, c'est-à-dire un être éveillé, calme, ouvert. Mais ici, il faut retenir avant tout que nous devenons quelqu'un avec un regard bienveillant, regardant la vie et ce qui se trouve devant soi avec un sourire véritable.
Cette conception de l'éveil privilégie la compassion sur la transcendance. L'accomplissement ne nous sépare pas du monde, mais nous rend plus présent.e.s et plus aimant.e.s envers tous les êtres. Le sourire du Bouddha-puzzle devient le rayonnement naturel d'une conscience unifiée.
La femme qui figure sur cette image semble avoir des formes bien rondes, et je trouve qu'elle ressemble beaucoup, dans son style et dans la représentation féminine qu'elle donne, à la figure de Gaïa. Dans la mythologie grecque, Gaïa est la déesse primordiale identifiée à la "Déesse Mère" et à la "Mère des titans".
Ancêtre maternelle des races divines et grand-mère de Zeus, elle enfante aussi de nombreuses créatures. En tant que divinité première, Gaïa est, d'une certaine manière, la gardienne du pouvoir divin. Cette représentation nous ramène aux racines les plus archaïques de la spiritualité humaine, quand la divinité était conçue comme féminine et maternelle.
Les formes généreuses de cette figure ne relèvent pas d'un choix esthétique arbitraire : elles évoquent la fécondité cosmique, la capacité de donner naissance à tous les êtres et à tous les mondes. Cette Gaïa moderne incarne la force créatrice universelle dans sa dimension la plus primordiale.
Cette femme est entourée par un serpent qui fait le tour de la carte et qui se mord la queue. Il s'agit d'un ouroboros, symbole universel dont le nom vient du grec ancien οὐροϐόρος, formé à partir des mots οὐρά (queue) et βορός (vorace, glouton), ce qui signifie littéralement "qui se mord la queue".
Le serpent (ou parfois le dragon) qui se mord la queue symbolise un cycle d'évolution refermé sur lui-même. Ce symbole renferme simultanément les idées de mouvement, de continuité, d'autofécondation et, en conséquence, d'éternel retour.
Cette connotation de circularité révèle une conception cyclique plutôt que linéaire de l'existence. Contrairement à la vision judéo-chrétienne d'un temps linéaire allant de la création au jugement final, l'ouroboros évoque les cycles cosmiques des traditions orientales et païennes.
Cette carte nous invite donc à penser que la carte Le Monde n'est donc pas une finalité définitive, mais qu'elle est une étape vers un autre chemin et vers un nouveau cycle. Comme on dit : "la boucle est bouclée", mais cette fermeture de la boucle annonce immédiatement l'ouverture d'un nouveau cycle.
Cette vision s'oppose radicalement aux conceptions linéaires de l'accomplissement. Elle suggère que chaque réalisation, aussi complète soit-elle, n'est que le prélude d'une nouvelle aventure. L'ouroboros nous enseigne que dans l'ordre cosmique, il n'y a pas de fin absolue, seulement des transformations perpétuelles.
Cette conception cyclique résonne profondément avec les sagesses orientales et les traditions chamaniques, où l'évolution spirituelle est conçue comme une spirale ascendante : nous revenons aux mêmes questions, aux mêmes défis, mais à un niveau de conscience supérieur.
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Bien entendu, nous pouvons voir la carte Le Monde comme la fin du parcours du voyage du Fou, donc comme une finalité en soi, comme la fin d'un chemin, indiquant l'aboutissement d'une évolution où l'objectif a été atteint.
Ce but qui a été atteint serait donc l'achèvement de soi : nous sommes devenu.e.s quelqu'un de fini, qui est devenu complet grâce à toutes les expériences qui ont précédé à travers le voyage du Fou. Nous pouvons aussi parler naturellement d'une réalisation, c'est-à-dire qu'au-delà d'être fini.e et d'être complet.e, nous sommes foncièrement quelqu'un d'accompli. Cela signifie que nous avons atteint un certain état de grâce : nous sommes bienheureux.se, vivant.e, nous ne pouvons pas être plus épanoui.e et plus illuminé.e dans cette existence humaine.
Cette interprétation classique a sa légitimité et sa beauté. Elle correspond à une vision linéaire de l'évolution spirituelle où chaque étape nous rapprocherait inexorablement d'un état final de perfection.
Mais je ne suis pas du tout certain.e que les maîtres-cartiers français de la Renaissance ont voulu nous dire qu'à travers cette carte, tout était fini et qu'il n'y avait plus rien à dire, ou autrement dit, il n'y avait plus rien à faire, tout était là.
Je pense que les maîtres-cartiers ont vu cette carte comme un passage, une transition, la fin d'un cycle qui débouchait très probablement sur un nouveau cycle. C'est pour cela qu'elle porte le numéro 21 -se terminant par 1-, nous indiquant que nous sommes au début d'une nouvelle ère, d'une nouvelle époque.
Cette numérologie n'est pas anodine. Le chiffre 21 peut se décomposer en 2 + 1 = 3, évoquant le début dans l'unité. Il peut aussi se lire comme 3 × 7 : si 7 est le chiffre de la "voie sacrée" et 1 le chiffre de la créativité, alors 3 × 7 signifie que nous créons un nouveau chemin vers le sacré. Il y a bien là une idée de commencement plutôt que de fin.
Il y a pour moi deux enseignements essentiels à retenir dans la lecture de cette carte, qui révèlent non pas un achèvement définitif, mais une nouvelle forme d'être au monde.
D'abord, nous avons appris à maîtriser l'ensemble des éléments qui nous constituent, à travers la maîtrise concrète des quatre éléments qui sont en nous : la terre (nos besoins), le feu (nos désirs), l'air (nos pensées), l'eau (nos sentiments).
Nous avons appris à nous connaître nous-mêmes : nous connaissons nos limites, nous connaissons nos qualités, bref nous nous maîtrisons, nous savons œuvrer avec ce que nous sommes, avec nos forces et nos faiblesses. Car maîtriser ne veut pas dire être parfait.e, mais veut davantage dire faire le mieux de ce que nous sommes capables de faire.
Cette maîtrise n'est pas une domination tyrannique de nos émotions ou de nos instincts, mais une collaboration harmonieuse avec toutes les dimensions de notre être. Nous devenons chef.fe d'orchestre de notre propre symphonie intérieure.
Le deuxième aspect intéressant à retenir me semble-t-il, c'est le fait d'être désormais ancré.e et surtout centré.e. En fait, la figure n'est pas véritablement au centre du monde, comme nous pourrions le croire parce que la carte se nomme "Le Monde".
En fait, la carte nous signifie qu'à cette étape, nous sommes définitivement ancré.e.s dans notre propre réalité et centré.e.s au cœur de nous-mêmes. C'est-à-dire que nous avons apporté la lumière jusqu'aux profondeurs de notre être, nous avons parcouru et arpenté les coins les plus obscurs de notre existence.
Fort.e de cette connaissance de nous-mêmes, nous agissons désormais avec une grande justesse par rapport à ce que nous sommes, qui nous sommes, ce que nous voulons, ce que nous pouvons. Cela sous-entend que nous ne sommes plus un bateau qui chavire à la première tempête, nous ne sommes plus une girouette qui change de direction à chaque coup de vent. Nous savons qui nous sommes, et de fait nous savons où nous allons.
Être centré.e ne veut pas dire être immobile, mais être en pleine connaissance et conscience de nos moyens. Nous mettons en œuvre nos capacités avec justesse et lucidité. Quelque part, nous sommes devenu.e.s visionnaires.
Cette vision nous permet de naviguer dans l'existence avec une clarté nouvelle. Nous ne subissons plus les événements : nous les accueillons, les comprenons, et y répondons de manière appropriée. Notre centre devient notre boussole, notre ancrage devient notre force.
Mais cette stabilité n'est pas statique. Elle ressemble plutôt à l'équilibre dynamique d'une danseuse qui, parfaitement centrée, peut exécuter les mouvements les plus complexes. Notre centrage nous donne la liberté de nous mouvoir avec grâce dans toutes les directions.
Ainsi comprise, la carte Le Monde n'est pas un point final, mais un point de départ qualifié. Les maîtres-cartiers français, dans leur sagesse, ont créé une carte qui célèbre un accomplissement tout en annonçant une ouverture. Elles et ils ont compris que la véritable réalisation spirituelle ne nous sépare pas de la vie, mais nous y engage plus profondément.
Cette vision cyclique de l'accomplissement résonne avec les grandes traditions spirituelles qui enseignent que chaque illumination est une nouvelle naissance, chaque réalisation une nouvelle capacité à servir et à aimer. La carte Le Monde nous dit finalement : "Félicitations, vous êtes maintenant prêt.e pour la véritable aventure !" Elle marque la fin de l'apprentissage et le début de la maîtrise créatrice. Et cette maîtrise, loin d'être une fin en soi, devient l'instrument d'une participation consciente à l'œuvre universelle de création et de transformation.
Interprétation Symbolique | Sens endroit (Positif) | Achèvement, maîtrise, unicité, unification, communion, complétude, plénitude, perfection, grandeur, gloire, estime, valorisation, ouverture, aisance, connaissance, voyage, abondance, glorification | Sens envers (Négatif) | Démesure, imperfection, inachèvement, retards, imprévus, modèle indépassable, mise à l'écart, surestimation |
Interprétation Psychologique | Sens endroit (Positif) | Entier, intègre, digne, intégré, proche | Sens envers (Négatif) | Irréaliste, exigeant, obséquieux, insatisfait, désuni, xénophobe, éloigné |
Conseil | |
Ne crains rien. Sois ouvert au monde. Prends ta place. Agis avec grâce et légèreté. Accepte l'imperfection, tu es humain. Reconnais le succès de tes actions. Profite de l'instant présent | |
Interprétation Thématique | Amour | Entente harmonieuse et durable. Amour lointain. Relation inaccessible ou impossible. Partenaire exigeant | Travail | Promotion ou reconnaissance légitime. Réussite aux examens. Dimension internationale favorable (ou non). Travail solitaire. Mission en décalage avec ses valeurs | Argent | Fructification propice. Maximisation des profits (vaine ou non). Gaspillage financier | Famille / Amitiés | Famille heureuse et unie. Relation sûre et pérenne. Nostalgie d'amitiés perdues. Tentative de recréer du lien. Séparé par la distance | Santé | Un esprit sain dans un corps sain. Déplacement nécessaire pour une thérapeutique. Ascétisme. Automédication |
Divination / Prédictif | Qui ? | Une personne souriante ou épanouie. Un individu isolé ou perdu. Quelqu'un au centre sur la photo | Où ? | N'importe où l'on se trouve bien et en harmonie avec notre environnement | Quand ? | N'importe quand du moment que l'action soit juste et en accord avec nos valeurs | Comment ? | En étant centré. En suivant la voie du milieu. En prenant en compte toutes les opinions. En ne rejetant aucune option |
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